Financement des entreprises françaises : un écosystème qui arrive à maturité

Cambon Partners — Fundraising
4 min readApr 3, 2020

Le financement des startups françaises se porte bien. Ces dernières ont en effet récolté 2,8 milliards d’euros au premier semestre 2019, selon les chiffres de La Tribune. D’excellentes performances qui viennent confirmer une année 2018 record, durant laquelle les entreprises de l’hexagone ont levé 3,6 milliards d’euros, contre 2,6 en 2017.

Des levées de fonds plus généreuses

Entre les premiers semestres 2018 et 2019, la hausse en valeur de 32% est d’autant plus étonnant qu’il se base sur un nombre d’opérations à peine supérieur, comme l’indique l’article cité plus haut. Au cours du premier semestre 2018, on relevait quelque 333 opérations, contre 361 au cours des 6 premiers mois de cette année. Une croissance 8,4% en volume, contre 32% en valeur.

La première analyse, évidente, aboutit à un ticket moyen qui ne cesse d’évoluer à la hausse. Ce chiffre est passé de 3,8 millions d’euros en 2016 à 4,2 millions en 2017, pour atteindre 5,6 millions en 2018. Sur les bases actuelles, il pourrait dépasser les 8 millions en 2019.

Mais pourquoi cette augmentation constante et significative ? Parce que cette moyenne est tirée vers le haut par les méga-levées, particulièrement nombreuses en ce début d’année. Mais elles n’expliquent pas tout. Les séries A et B, notamment, profitent aussi de tours de table plus généreux qu’auparavant.

L’alignement des planètes

Deux phénomènes concomitants sont sans doute à l’origine de cette observation. D’un côté, les fonds d’investissement ont eux-mêmes levé beaucoup d’argent il y a plusieurs années, « un mouvement initié par la BPI il y a environ 5 ans », explique Nicolas Meunier, Partner chez Hi inov — Dentressangle. « Il y avait une vraie volonté politique d’être présent auprès des entreprises, à l’image de ce qui existe avec les fonds anglo-saxons. Après une ou deux années d’attentisme, faute d’entreprises dans lesquelles investir de manière conséquente, ces fonds redistribuent aujourd’hui l’argent levé. »

Parallèlement à cela, les entrepreneurs se sont professionnalisés. Certains des decks qui arrivent sur les bureaux des investisseurs sont bien meilleurs que par le passé, tant sur le fond que sur la forme. Les informations et les bonnes pratiques sont aujourd’hui accessibles à tous, et le niveau des entrepreneurs s’améliore d’année en année, de l’avis de tous les acteurs interrogés.

Insuffisamment toutefois, tempère Pierre-Edouard Berion, Partner chez Raise. « Il y a en effet plus d’argent aujourd’hui, mais le ruissellement n’a pas forcément eu lieu, car il n’y a pas toujours suffisamment de projets de qualité. Ce qui explique un effet de concentration sur certaines entreprises. Et dès qu’un dossier avec un fort potentiel de croissance se présente, les investisseurs se le disputent, avec des montants qui grimpent très vite. » Avec à la clé cette augmentation observée du ticket moyen.

Nicolas Meunier acquiesce : « C’est vrai que peu de sociétés parvenaient à générer de façon récurrente 5 à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires. Comme il faut répartir sur ce petit nombre d’entreprises le portefeuille des investisseurs, les tickets augmentent en conséquence.

« Mais il est vrai aussi qu’il y a une véritable professionnalisation du métier d’entrepreneur, et il y a 10 ans, les pitchs n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui », précise toutefois Pierre-Edouard Berion.

Le cercle vertueux est en place…

L’argent est là, et certains entrepreneurs, en plus de présenter des KPI très solides, sont de plus en plus convaincants sur leur vision et leur niveau d’ambition. L’écosystème dans son ensemble est plus mature et permet des levées plus conséquentes, une prise de risque plus importante. La confiance est de mise, du côté des investisseurs comme des entrepreneurs, grâce aux réussites des dernières années. Des barrières psychologiques tombent, comme les records. Le cercle vertueux est en place.

« Nous avons aujourd’hui une génération d’entrepreneurs qui contribue à l’éducation autour des startups et du digital, qui deviennent parfois business angels, nous avons des avocats spécialisés, des médias spécialisés. Il y a eu déclic. » s’enthousiasme cette fois Pierre-Edouard Berion. Et ce dernier d’ajouter : « On a un super écosystème, avec une chaine de financement complète, variée, les meilleures écoles ingénieurs du monde… Il reste encore un gouffre avec les États-Unis, mais au niveau européen, on commence à tirer notre épingle du jeu ». Les chiffres lui donnent raison : en 2019, la France affirme sa seconde place en matière d’investissements pour ses entreprises, derrière le Royaume-Uni, mais devant l’Allemagne.

… mais les places sont chères

Les entrepreneurs peuvent donc se réjouir : le système de financement français est aujourd’hui en capacité de leur assurer un développement à la hauteur de leurs ambitions. Mais attention : pour profiter de ces opportunités nouvelles, la bataille est rude. Car les startups sont bien à la fois mieux armées et plus nombreuses à frapper à la porte d’investisseurs, qui sélectionnent les dossiers de manière drastique.

Cette concurrence exacerbée rend les levées de fonds plus complexes, car les entrepreneurs doivent se montrer particulièrement séduisant, convaincant, et sont surtout dans l’obligation de préparer le dossier le plus solide, le plus rigoureux possible, afin de figurer parmi les heureux élus. L’aide d’un partenaire expert est, en ce sens, un atout indéniable.

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